Ainiza-Monjolose, 2020/04/09
Suite à de fortes interpellations concernant l’utilisation de pesticides à proximité des habitations, le Gouvernement a proposé un dispositif pour « réduire l’exposition aux produits phytopharmaceutiques et favoriser la coexistence des activités sur les territoires ruraux à travers des chartes d’engagement des usagers, adaptées au contexte local et aux leviers effectivement mobilisables par la ou les exploitations. »
Il s’agit de définir en particulier les distances de sécurité sans traitement par rapport à des zones d’habitation et de les « adapter » localement à travers une charte d’engagements à l’échelle départementale, qui « vise à favoriser la coexistence des activités dans les territoires ruraux dans un esprit de dialogue et de conciliation entre les agriculteurs et les habitants. »
Ce projet de charte doit, après consultation publique, être validée par le Préfet avant application dans le département.
La chambre départementale d’agriculture souhaite réduire encore plus les distances d’épandage des pesticides !
La Chambre départementale d’agriculture a élaboré sa charte en collaboration avec la « profession » agricole (faut-il comprendre que seuls FDSEA et JA représentent les paysans?). Son principal objectif semble être de minimiser les distances définies par l’arrêté gouvernemental du 27/12/19 dans les Pyrénées Atlantiques.
Ainsi, au-delà de ce qui est « incompressible » (l’arrêté définit 20 m incompressibles pour les produits les plus dangereux), la proposition de la chambre départementale est de réduire à 5 m lorsque la distance préconisée par l’arrêté est de 10 m (arboriculture, viticulture) et de 3 m lorsque la distance préconisée par l’arrêté est de 5 m (autres utilisations agricoles et non-agricoles).
Cela est argumenté par « un département qui se caractérise par des productions diversifiées, un nombre d’agriculteurs important, un mitage de l’habitat, le morcellement du parcellaire, des filières et des enjeux sociaux capitaux notamment avec le renouvellement des générations. »
Une « consultation » biaisée et des services de l’État absents
Cette charte est soumise à une consultation sur le site internet de la Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Atlantiques jusqu’au 1er mai, afin « d’inciter les habitants du département vivant à proximité de champs agricoles où des produits phytopharmaceutiques sont utilisés à donner leurs avis » … « dans l’objectif de favoriser le bien vivre ensemble dans les territoires ».
Une fois la concertation achevée avec le public, la charte d’engagements sera transmise au préfet avec le résultat de la concertation et la synthèse des observations du public. Puis cette charte sera approuvée par le préfet dans les deux mois.
Il est tout à fait étonnant de constater que cette consultation soit effectuée sur le site de la chambre d’agriculture, autrice de la charte. Il est encore plus aberrant que cette consultation puisse être remplie à l’infini par une même personne, ce qui peut laisser à désirer quant à l’exploitation qui en sera faite…
Il aurait été beaucoup plus logique que cette consultation soit gérée par les services de l’État, d’autant plus que c’est la Préfecture qui aura la responsabilité de l’approuver.
Il est encore plus surprenant d’apprendre que les services de l’État considèrent que dans l’attente de l’approbation de la charte et jusqu’au 30 juin 2020, les utilisateurs de pesticides pourront appliquer les réductions de distance selon les modalités prévues par l’arrêté du 27 décembre 2019 sans attendre les résultats de la consultation publique.
Il faut sortir des pesticides !
Sortir des pesticides (les appeler produits phytopharmaceutiques ne les rends pas plus inoffensifs) est une nécessité, tant pour des raisons de santé publique que pour les dégâts environnementaux provoqués par leur utilisation (perte de biodiversité…).
Le fait que des arrêtés préfectoraux empêchent l’utilisation de pesticides dans les périmètres de protection de captage d’eau potable ou que des bandes de 5 mètres le long des cours d’eau ne puissent être traités montre bien que ces pesticides posent problème.
Mettre en place des ZNT de 3, 5 ou 20 m des habitations avec une possibilité d’y déroger avec des chartes et consacrer 25 millions d’euros pour financer de « meilleurs » pulvérisateurs, c’est se moquer du monde ! Les ZNT n’empêchent pas la volatilité des pesticides, l’effet des perturbateurs endocriniens à des doses infimes ou encore les effets « cocktail » imprévisibles de tous ces produits. De fait, ces ZNT ne répondent pas aux enjeux de santé publique ! De même, la concertation et la transparence ne protègent pas des pesticides !
La dangerosité des pesticides est liée à la dangerosité des matières actives et s’aggrave avec les « mauvaises pratiques ». C’est donc bien l’interdiction de ces produits (en priorité les perturbateurs endocriniens et les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction) et l’accompagnement des paysans vers des solutions alternatives qui répondront réellement au problème.
Que faire sur ces bandes de terres classées en ZNT ?
Les paysans concernés par les périmètres de protection des captages d’eau potable y adaptent leurs pratiques, afin de garantir la qualité de l’eau. Ce sont des pratiques du même type qu’il faudra mettre en place sur les ZNT.
De nombreux paysans utilisent depuis plusieurs décennies ou depuis plus récemment des pratiques sans pesticides, prouvant que la sortie des pesticides est possible. L’enjeu est de conforter ces pratiques, d’inciter et d’accompagner les fermes à se passer des pesticides, sur ces ZNT mais surtout sur l’ensemble des surfaces agricoles.
Cela implique une volonté politique forte, la mise en place d’un véritable plan de transition qui rende accessible ces techniques à la majorité des paysans.
Plus globalement, la question des pesticides est l’iceberg d’un système agricole basé sur l’intensification et le productivisme, au détriment de la santé humaine, des enjeux environnementaux (biodiversité, changement climatique).
C’est sur un projet de transformation sociale et écologique du modèle agricole actuel vers une agroécologie paysanne que les énergies doivent être mobilisées. Il en va de la santé publique, de la qualité de l’environnement et aussi de la souveraineté alimentaire des territoires.
Euskal Herriko Laborantza Ganbara s’oppose à la réduction des distances d’épandage des pesticides proposée par la Chambre départementale d’agriculture dans sa charte d’engagements départementale des utilisateurs agricoles de produits phytopharmaceutiques.
Euskal Herriko Laborantza Ganbara considère que le sujet des pesticides est à traiter avec l’ensemble des syndicats agricoles et des structures de développement, qui seront en mesure d’accompagner les paysans sur des changements de pratiques.
Euskal Herriko Laborantza Ganbara considère que les services de l’État devraient œuvrer dans ce sens, plutôt que de donner un blanc-seing à la « profession agricole », menée par la FNSEA-JA.
Contacts :
– Beñat MOLIMOS : 06 33 02 23 72
– Francis POINEAU : 06 70 63 77 11