Maîtriser l’alimentation de son troupeau de brebis laitières est primordiale pour assurer la bonne gestion et la santé de ses animaux. Mais elle l’est également sur le plan économique des fermes, puisque les aliments représentent une des principales charges opérationnelles des ateliers ovins-lait. Pour maîtriser au mieux son coût alimentaire, la connaissance des besoins des brebis aux périodes charnières s’avère être nécessaire pour les éleveurs. D’autant plus en ces temps de crise, où la hausse des prix de l’alimentation du bétail oblige les paysans à être vigilants et à devoir parfois réajuster certaines pratiques afin de limiter leurs coûts de production.
La théorie : connaître les grands principes de l’alimentation
La brebis est un ruminant. Une grande partie de la valorisation alimentaire a lieu dans sa panse grâce à la présence de micro-organismes. Sur le plan alimentaire, 6 besoins fondamentaux devront être comblés :
– besoins en eau : propre, à volonté et si possible tempérée (compter au moins 1 abreuvoir pour 30 brebis)
– en fibres pour déclencher le phénomène de rumination, indispensable à une bonne digestion du bol alimentaire et donc pour éviter le gaspillage. Attention, car de façon générale, les fourrages sont digérés plus lentement que les concentrés. Pour éviter les acidoses il ne faut pas distribuer plus de 300 g de concentrés par repas et si possible après un repas de fourrages
– en énergie et en azote, avec un apport équilibré et synchronisé de ces éléments dans la panse (= énergie et azote disponibles au même moment). En effet, la digestion des ruminants est particulière et concernant l’azote, le métabolisme est assez complexe : les micro-organismes de la panse ont besoin d’énergie pour dégrader l’azote des aliments et le rendre disponible pour la brebis. Le niveau azoté des rations chez les ruminants est un point clé à maîtriser car l’azote est en lien direct avec le niveau de production des animaux. Toutefois, les aliments riches en azote sont souvent les plus chers… Pour optimiser au mieux la digestion ruminale, il est donc important d’apporter des sources d’énergie et d’azote qui se dégradent à la même vitesse.
→ association de sources d’énergie rapide (orge/triticale) avec des sources azotées rapides (tourteau de soja/colza ou féverole) et inversement (maïs grain à associer avec de la luzerne en bouchon par exemple).
→ lorsqu’on alimente les brebis avec des sources d’énergie plutôt « lente » comme la cellulose des fourrages ou le maïs grain et des sources azotées rapides (tourteaux), il faut apporter en premier la source énergétique (foin, maïs) et ensuite la source azotée (herbe jeune, tourteau).
– des minéraux (P, Ca, Mg en majorité) à apporter surtout lors des périodes clés : fin de gestation, début de lactation, mise à la reproduction (ex : 6-12-3, à hauteur de 20 à 25 g/brebis/jour).
Au Pays Basque il faut veiller à ce que le complément contienne aussi du Sélénium (Se).
Une ration qui contient autour de 500 g de luzerne couvrira les besoins en minéraux.
– des vitamines, qui à l’inverse des minéraux ne sont pas stockables. Globalement, seules les agnelles sont à complémenter au moment du sevrage (aliments spécifiques).
Attention, lors de changement de ration (mise à l’herbe au printemps, retour de transhumance…), veillez à ne pas perturber la flore microbienne de la panse en réalisant des transitions alimentaires sur minimum 5 jours. Aussi, en précaution, un repas de fourrage sec avant d’envoyer les animaux pacager permet d’éviter les perturbations de la panse.
En pratique : s’adapter en temps de crise
Ces derniers mois, l’envolé des prix des intrants déstabilise économiquement les paysans. Face à la hausse des coûts d’alimentation, les éleveurs vont être dans l’obligation d’adapter leur conduite et d’accroître leur vigilance afin de limiter les sur-coûts de production.
1) Réussir sa lutte pour avoir un agnelage groupé
Afin de faciliter le travail de l’éleveur, il faudrait que 60 % des brebis mettent bas sur le même mois. En groupant les agnelages, le suivi des brebis sur le plan alimentaire et sanitaire est simplifié. En effet, les animaux présentent les mêmes besoins au même moment, et les tâches à accomplir pour l’éleveur sont de ce fait moins denses et diversifiées. Des mises bas groupées induisent donc une lutte maîtrisée, avec une durée de présence des béliers avec les brebis limitée pour réduire le nombre de tardives.
2) Limiter le gaspillage
Vérifier les quantités d’aliments distribuées en bâtiment permet de limiter la surconsommation (peser des seaux, contrôler le calibrage des distributeurs en SDT et bergerie le cas échéant, etc.). En parallèle, pour adapter au mieux l’alimentation aux besoins des animaux, il est recommandé sur certaines phases clefs du cycle de production de faire des lots. Par exemple, en sortant dès que possible les vides et tardives, mais également en commençant à complémenter en concentrés uniquement les brebis qui entrent sur le dernier mois de gestation. Pour ce faire, les échographies sont une solution, mais il est également possible de juger soi-même du stade de gestation (dès 2 mois : soulèvement de la queue par rapport aux os du bassin, dès 3,5 mois : sensation de poids devant le pis suite à un à-coup, dès 4 mois : détachement du pis). Enfin, ne pas hésiter à ajuster la ration en fonction de la réponse du troupeau en termes de production (surveiller le volume de lait produit et réduire en fonction les quantités distribuées notamment sur la ration de début de lactation).
3) Ajuster son renouvellement et choisir ses réformes
La maîtrise des coûts alimentaires passe également par l’ajustement de l’effectif du troupeau. Du point de vue du renouvellement, il faudra éviter de garder plus d’agnelles que nécessaire. Un taux de renouvellement de 20 % permettra de réformer tous les animaux à problème. Attention au-delà de 25 %, il faut s’interroger sur les objectifs visés (augmentation du troupeau nécessaire ?) et la rentabilité économique de ce choix qui entraînera certainement un surcoût des frais d’élevage. Au niveau du choix des réformes, les brebis ne répondant plus aux attentes de la ferme devront être retirées : état général, âge (> 7-8 ans généralement, les problèmes augmentent sur les brebis), rusticité, boiteries, diarrhées, problèmes de mamelle, capacité laitière, etc.
4) Améliorer l’autonomie alimentaire sur la ferme
Aux vues de la typologie des fermes présentes sur le territoire, l’amélioration de l’autonomie alimentaire commence tout d’abord par l’augmentation de la qualité des fourrages produits afin de limiter les achats de concentrés. La réalisation d’analyses de fourrage et de sol permettrait d’évaluer la qualité des récoltes dans le but de proposer aux brebis des rations équilibrées et éventuellement d’orienter les éleveurs quant à la mise en place de nouvelles pratiques culturales (entretien du sol, optimisation du pH et du stade de fauche et récolte, choix des espèces semées, etc). Pour les exploitations possédant des terres arables, la production des céréales est également pertinente dans la mesure où la ferme est déjà équipée d’outils ou de moyens lui permettant de produire de telles cultures (cultures simples ou en mélange, associées à une ou plusieurs légumineuses).
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